La Haute Agora, c'est l'incarnation d'une prospection qui a duré un an. Une recherche qui porte sur les potentialités d'une structure de grande dimension, sur ce qu'elle génère comme questionnements en termes d'économie, de performance technique et d'usages. L'étude ambitieuse, exposée au Pavillon de l'Arsenal, est menée par l'architecte Jean-Christophe Quinton et les ingénieurs Bollinger+Grohmann, et se concrétise dans un immeuble de grande hauteur culminant à 700 mètres de haut.

Essentiel à la démocratisation de l'architecture, le Pavillon de l'Arsenal aspire à faire connaître la recherche par le projet, grâce aux expositions temporaires qu'il accueille. L'événement Haute Agora ne fait pas exception et tend, jusqu'au 31 mars prochain, à expliciter des enjeux complexes qui interrogent les formes générées par la création architecturale, dans un contexte d'économie de matériaux et de diversité d'usages. Un programme à priori peu accessible que les concepteurs ont su rendre aussi intéressant que ludique grâce à l'emploi de la réalité virtuelle, d'œuvres immersives ou de changements d'échelles impressionnants. L'ensemble se divise en trois temps : une phase reservée aux hypothèses de recherches et à la conception du projet, un deuxième moment qui reconstitue le cadavre exquis réalisé par les architectes, et pour finir une zone dédiée à l'immersion du visiteur dans l'espace du projet.

Ainsi, le premier espace de l'exposition est consacré aux intentions de l'étude et aux termes qui émergent à l'aube de cette recherche. Il ouvre la réflexion sur la façon dont apparaissent les formes en architecture.
Le projet formule des possibilités innovantes autour d'une problématique liée à la forme et à la structure : dans quelle mesure une architecture organique, paramétrée, est-elle adaptable à l'échelle d'un projet humain ? Comment révolutionne-t-elle son implantation?
La manifestation rassemble ici les études, calculs et dessins techniques qui ont construit le projet, où les carnets de croquis soignés de Jean-Christophe Quinton se mêlent aux maquettes des différents modules l'ayant inspiré pour illustrer le débat.

L'objet de la recherche prend alors la forme d'un cadavre exquis, visible dans le deuxième temps de Haute Agora. La tour, composée et ordonnancée par une centaine d'architectes, est exposée à même le sol sur une fresque en noir et blanc de 20 mètres que l'on parcoure à l'aide de chaussons. L'élévation renouvelle le rapport du visiteur à l'espace représenté : en parcourant le projet, il est confronté à un rapport singulier avec l'objet montré, se penchant pour observer des détails qui se diversifient à mesure qu'il avance.
Celui-ci peut apprécier, au fil des 170 étages, un programme aussi mixte et complet que le nombre des architectes l'ayant constitué est grand. Quelques 96 concepteurs investissent les volumes et travaillent à renégocier la façon dont s'articulent les usages dans les espaces. Ils formulent des nouvelles civilités, des relations décomposées et fictionnelles qui ponctuent les différentes mécaniques d'habitation du bâtiment . Entre parcs intérieurs et jardins suspendus, l'ensemble respire autour d'espaces laissés vides, ce qui amoindrit la densité des propositions.
Un édifice purement théorique, rassemblant des projets uniques qui, s'ils semblent déconnectés les uns des autres, jouent en la faveur d'une lecture harmonieuse du bâtiment. La composition de la tour est rythmée par d'immenses promenades, un peu à la manière d'un level-design où tous les niveaux concourent séparément à un but commun : une pratique décomplexée d'un type de construction depuis trop longtemps méprisé de la politique de la ville – et de ses habitants.

La silhouette de la tour est constituée des modules indépendants, exposés grâce à des maquettes posées, suspendues ou dupliquées par des miroirs, et qui révèlent une composition à la géométrie variable, adaptable à l'infini. Le programme innovant de cet immeuble vise ainsi à dompter l'immense bâtiment par la morphogénèse, utilisant des modules fragmentés et imbriquées pour ne plus former qu'une multitude d'élément composites déployés à la verticale. Les ingénieurs exploitent des ressources matérielles limitées grâce à ce modèle, dupliqué autour d'un espace tubulaire pour former un amas de cellules habitables. Il ne leur a d'ailleurs fallu que 30 centimètres d'épaisseur pour constituer les voiles de béton qui soutiennent les premiers niveaux de la tour depuis le sol.
L'épaisseur de ces voiles préfabriquées en béton varie selon les étages. Certains documents démontrent la diversité des facteurs étudiés pour la conception technique de ces éléments, tels que l' « écoulement du vent » autour de la tour ou la répartition de la lumière. Le tout est organisé dans des visuels graphiques attrayants, capables de communiquer les aspects du projet aux regards amateurs autant qu'experts, avec beaucoup de clarté et de simplicité.

La présentation se conclue sur un dernier espace dédié à l'immersion du visiteur, par le biais de simulation informatique. Elle dispose trois plans isolés, affichés à même le sol, de façon similaire à l'élévation, dans lesquels le spectateur se plonge grâce aux casques de réalité virtuelle.

Quant à la mise en forme de l'exposition, si le projet de recherche convoque des éléments divers dans une exposition visuellement aérée, la répartition de l'exposition en trois temps -mériterait d'être plus efficacement identifiable. Afin d'offrir une meilleure lecture des étapes qui ont encadré la recherche, elle gagnerait à être explicitée. La déambulation n'y est pas toujours évidente ni encadrée, ce qui pourrait rapidement égarer le visiteur autour d'un parcours qui ne répond pas à ces trois étapes.

Par les moyens physiques employés, l'exhibition témoigne cependant énergiquement des paris relevés par une recherche très inspirante : elle aboutit à une proposition qui ose redéfinir les standards pour articuler autrement les activités humaines dans l'aménagement des immeubles de grande hauteur.

Pour en savoir plus, visitez le site de Pavillon de l'Arsenal

Photographies : DR



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