À Harbin (Chine), un ensemble de volumes sombres et énigmatiques prend place sur l'ancien fief de l'unité 731 de l'armée japonaise. Réalisé par l'architecte He Jingtang, ce bâtiment rappelle les crimes de guerre ayant eu lieu durant l'occupation nippone de la Mandchourie (1931-1932), dans une exposition permanente nommée « Hall of Crime Evidences ».

Conçue pour révéler au monde les horreurs de la guerre, la construction s'inspire des boîtes noires utilisées dans l'aviation pour enregistrer les informations des vols et en révéler tous les secrets. En effet, qu'il s'agisse dudit objet ou du bâtiment, les deux sont indispensables à l'avancée d'un travail de mémoire et à la collecte d'informations et de preuves, ce qui est, comme son nom l'indique, un des sujets principaux de l'exposition « Hall of Crime Evidences ».

« Le concept de "boîte noire" est essentiellement utilisé pour déterrer les crimes commis par l'unité 731. Nous espérions l'utiliser en tant que conteneur dès le début, déplacer progressivement l'histoire poussiéreuse et cachée des gens et exposer les crimes japonais contre l'humanité. » L'équipe de He Jingtang


Le site d'implantation fait partie intégrante du concept architectural global, d'abord pour le symbole qu'il représente, et ensuite parce qu'il est à la fois excentré de la ville – et donc coupé du bruit, ce qui crée une atmosphère pesante –, et proche de l'environnement urbain qui, lui, est animé. À l'est, l'équipe d'architectes installe ainsi un parc paysagé marquant la transition entre l'effervescence citadine et le lieu, plus solennel. Cet endroit est une pause dans la vie d'Harbin, à la manière du mémorial de la Shoah de Peter Eisenman à Berlin. L'ensemble volumineux est situé au milieu des ruines, et en révèle donc toute la puissance.

Le bâtiment, posé sur un rez-de-chaussée vitré, semble être en équilibre instable et émerger directement du terrain recouvert de gravier ; comme prêt à tomber dans l'oubli. La toiture et la façade sont striées, rythmant ainsi l'aspect monolithique de l'ensemble et rappelant les blessures du peuple de cette région, telles des cicatrices, « comme si le terrain était incisé par un scalpel pointu », décrit l'architecte en charge du projet. Le plan est décagonal et joue avec des volumes de tailles différentes : on ne sait où se situer. À l'intérieur, les demi-niveaux, les bassins extérieurs qui passent sous la construction, les patios, les plafonds de diverses hauteurs... tout est fait pour perturber le visiteur et troubler ses habitudes en matière d'espace et flouter la frontière entre intérieur et extérieur. Les pièces centrales sont toutes réalisées en obliques afin de prolonger la tourmente dans laquelle est plongé le spectateur impuissant. Tous les revêtements sont également gris foncé pour que ce dernier ait le sentiment d'être complètement immergé dans une boîte noire, où les espaces d'exposition se succèdent en enfilade dans une ambiance tamisée lourde de sens.

Avec ce projet, les architectes de l'équipe d'He Jingtang réalisent un endroit métaphorique où l'architecture sert de support à l'expression des horreurs de la guerre.

Photographies : Yao Li



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