À Liernu (Belgique), à quelques encablures de Namur, un ancien corps de ferme résonne aux chants des casseroles : L'Air du Temps, un restaurant de haut vol tenu par le chef Sang-Hoon Degeimbre. Un ensemble de quatre bâtiments datant du début du XXe siècle qui s'offre cette année une seconde jeunesse, grâce à l'architecte d'intérieur wallonne Charlotte Esquenet, de l'agence Exsud.

Liernu, non loin de Namur, dans un lieu que les GPS peinent à trouver ; vous voici arrivés à une adresse qui porte bien son nom : le très hors du temps Air du temps, un hôtel-restaurant de 11 chambres et 35 couverts installés ici depuis 6 ans, et créé il y a 20 ans dans une ancienne friterie située non loin.


Né en Corée puis adopté à l'âge de 4 ans par une famille belge de la région, Sang-Hoon Degeimbre a gardé de son histoire un œil ouvert sur le monde, une soif insatiable de découverte, qu'il retranscrit aujourd'hui dans ses plats. Un virtuose des accords en bouche – qui se prédestinait à devenir pharmacien –, finalement devenu chef le jour où il a ouvert son premier établissement, à l'âge de 28 ans, après avoir expérimenté le service en salle, la sommellerie ainsi que la boucherie. Celui qui ne se repose jamais sur ses lauriers file aujourd'hui comme personne la métaphore végétale dans un établissement unique en son genre dont 80 % des plats provient du potager, et d'où ne sort aucun déchet – grâce au recours au compost, à la réduction en poudre des plantes non utilisées aux fourneaux ou en présentation, ou encore à la mise en bocal de 1,5 tonne de végétaux en hiver.



Un lien à la terre que l'on retrouve dans la vaisselle – comptant pas moins de 1 300 pièces – réalisée artisanalement par l'atelier de poterie local Bibenbou, avec la matière extraite du site. En somme, une réécriture contemporaine et culinaire de l'adage de Lariboisière « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » ou du plus religieux « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras à la poussière ». Un positionnement tout en humilité réincarné dans les casseroles du chef. « La nature décide de nos menus », explique Benoît Blairvacq, jardinier de l'établissement, ancien assureur et banquier, qui a littéralement tout quitté pour œuvrer pour ce virtuose de la cuisine. « Je suis tombé amoureux de San, de son travail. Il avait tous les produits nécessaires mais il lui manquait les légumes. Je me suis donc mis à en produire. Je n'avais jamais fait ça de ma vie ! », livre-t-il.
Sur 3 hectares de parcelles ironiquement prénommés Versailles I, II et III, ce poète du végétal fait pousser 400 espèces de plantes, avec un œil aussi aimant qu'exigeant. C'est en toute logique que l'homme aux mains vertes refuse donc toute adjonction d'eau ou de pesticides – à tel point que 2 des 5 hectares que compte la propriété ne sont pas cultivés et font office de zones tampon vis-à-vis des champs voisins, moins strictes quant à l'utilisation de produits chimiques.

Un champ placé au cœur du projet d'extension de cet ancien corps de ferme, qui régale les papilles mais aussi les yeux. Un ensemble qui se compose de quatre édifices en brique en R+2 organisés autour d'une cour centrale carrée, avec cuisine d'un côté, pénates réservées aux stagiaires et salle de petit-déjeuner de l'autre, ety six nouvelles chambres – dont deux suites de 60 mètres carrés –, qui s'ajoutent aux cinq préexistantes situées en face au-dessus du restaurant. « Il y avait là des animaux, plaisante Benoît Blairvacq. Mais ils n'étaient pas aussi bien lotis ! »
Au cœur de ce coup de neuf : la salle de réception, où San n'hésite pas à venir saluer ses invités. Précédemment subdivisée en trois pièces étroites, elle est prolongée au sud-est par une galerie de 25 mètres par 8, en verre et métal, vitrée toute hauteur sur le jardin, si bien qu'on se croirait à l'extérieur ! En somme « une fenêtre ouverte sur le monde », comme le définit le patron des lieux, doublement étoilé depuis 2007. Une douceur aussi bien présente dans les assiettes, dans les fauteuils club mis à disposition des hôtes, que sur le sol duveteux en moquette ou au plafond composé de 2 000 pièces ondulées de balsa fraisé à la fois décoratives et acoustiques.

Une quatrième collaboration tout en ocre, donc couronnée de succès pour San et l'agence Exsud, qui s'étaient rencontrés chez iCook, une table tenue par Philippe Watteyne – finaliste de Top Chef Belgique, pour la petite histoire.

Autour d'un accord mets/vins – ou mets/eaux aromatisées –, sur une bande sonore reprenant des chants d'oiseaux locaux, l'immersion est donc totale. Vous êtes ici au palais des sens.

Pour en savoir plus, visitez le site d'Exsud

Photographies : DR



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