Le VIA (Valorisation de l'Innovation de l'Ameublement) a 40 ans ! Pour fêter cet anniversaire, l'organisme s'offre une exposition itinérante, « No Taste for bad taste ». À l'occasion de sa présentation à l'Institut français de Milan, la rédaction de Muuuz a rencontré le touche-à-tout et inclassable Jean-Charles de Castelbajac qui s'est ici plié à l'exercice de la scénographie. Il y avait du second degré, de la poésie dans l'air, de l'émotion dans les mots et des étoiles dans les yeux.

Muuuz : Pourquoi le VIA vous a-t-il choisi pour être scénographe de cette exposition ?
Jean-Charles de Castelbajac : Je suis l'excellence incarnée ! Depuis 30 ans, je conçois de manière décloisonnée : j'ai toujours fais du design, de la mode, de l'art, etc. Au départ, j'étais comme un petit ruisseau à contre-courant, puis je suis devenu une rivière, un fleuve, maintenant je suis arrivé à la mer.
C'est amusant que le VIA m'ait choisi. Quand on me l'a proposé, j'ai tout de suite accepté avec joie !

Comment avez-vous choisi le titre « No taste for bad taste » ?
Nous l'avons choisi avec les équipes du VIA, mais il aurait également pu être « No taste for good taste » car le goût est quelque chose de subjectif. Personnellement, j'ai le goût de l'imparfait.

Comment avez-vous opéré la sélection de quarante pièces de design français présentée lors de l'exposition ? et leurs dix valeurs associées (art de vivre, héritage, savoir-faire, élégance et touche de luxe, etc.) ?
Tout ceci s'est décidé de manière collégiale, rigoureuse et arbitraire. Mon seul regret : qu'il n'y ait pas 10 pièces de plus qui parlent de demain car pour moi toute exposition doit annoncer la relève.
Les dix valeurs essentielles qui nous ont permis de répartir notre sélection de quarante objets se sont imposées d'elles-mêmes, de concert avec le conseil supérieur du VIA. Moi, je leur ai juste donné une définition moderne en leur associant chacune un pictogramme que j'ai dessiné, car j'ai la passion des blasons. Pour moi un dessin en dit plus que de longues phrases.

Parmi ces dix valeurs, dans laquelle vous reconnaissez-vous particulièrement ?
« Le beau bizarre ! », qui aurait pu être la onzième de ces valeurs ! ou le trouble, l'invisible, le mystère...

Quels principes ont guidé votre intervention répartie en dix tentes ?
L'idée était de parler de nomadisme, de voyage dans le temps. De faire quelque chose de très onirique, de très français, avec une référence au style national, à la tradition, et d'en faire perdurer le savoir-faire. En effet, ces tentes sont tout sauf modernes : leur chapiteau est en fonte, elles sont peintes à la main... mais elles sont avant tout l'expression d'un geste. La base de mon travail est ainsi de prendre l'histoire et de la transformer : je suis un conteur d'histoire. C'est ce que j'ai voulu dire dans ma scénographie, faire vivre aux visiteurs un voyage presque enfantin, régressif.

Quelle histoire se cache donc derrière ces tentes ?
Elles ont été faites à Paris par les Ateliers Richard, avec qui j'avais déjà travaillé dans les années 1970 dans le cadre de défilés de mode, et qui fabriquaient déjà ce type de structures du temps de la cour à Versailles. Avec eux, je voulais ramener le goût de l'excellence. Cela faisait longtemps que je n'étais pas autant rentré dans les détails, comme le faisait par exemple Mies van der Rohe dans ses maisons. J'ai aussi voulu créer toute une dramaturgie autour de l'arrivée de ces tentes, en dessinant des caisses en bois peintes dans lesquelles tout ce campement peut être transporté et qui peuvent s'emboîter comme un mécano. Comme un voyage de comédiens dans le temps ou les campagnes militaires de Jules César, chaque caisse contient ici un élément : les tentures, les montants, les chapiteaux, etc.

« Au final, je n'ai jamais été aussi créatif. C'est fascinant ! Quand vous créez depuis cinquante ans, sans mélancolie : un classement générique émotionnel s'immisce à l'intérieur de vous. Le concept se met alors immédiatement en route... » Jean-Charles de Castelbajac

Photographies :
1) ©James Bort (www.jamesbort.com)
3, 4, 5, ) ©Francesco Secchi

Pour en savoir plus, visitez le site du VIA, du French design et de Jean-Charles de Castelbajac

 



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