C’est à l’occasion de l’exposition « Nocturnes » à la Fondation Henri Cartier Bresson (3ème arrondissement) que nous avons découvert un corpus inédit d’œuvres de l’artiste espagnole Marie Bovo : des photographies issues de cinq séries différentes, mais toutes prises à la tombée de la nuit, entre chien et loup, qui magnifient des villes désertées et des espaces faussement dépeuplés. Alors que le confinement vient d’être prolongé jusqu’au 11 mai, ces images du vide, capturées entre la France et l’Afrique, semblent particulièrement à propos.

Marie Bovo (née en 1967) explore les possibilités de la photographie et de la vidéo, et aborde des thématiques politiques et sociales à travers des images poétiques. Son œuvre a acquis une reconnaissance internationale, grâce à de nombreuses expositions monographiques, notamment « СтанСы/ STANCES » aux Rencontres de la Photographie d’Arles en 2017, « How to Survive Abstraction » au California Museum of Photography en 2016, « La danse de l’ours » au FRAC Paca à Marseille en 2015, ou encore « Sitio » à l’Institut Français de Madrid en 2014. Aujourd’hui, Marie Bovo est représentée par les galeries kamel mennour (Paris, Londres) et OSL Contemporary (Oslo), et travaille à Marseille.

L’exposition « Nocturnes » rassemble des photographies dans lesquelles Marie Bovo créent des alliances de contraires. On y découvre deux séries emblématiques de son travail photographique : « Cours intérieures » (2008-2009) et « Alger » (2013). Dans ces images de cours intérieures marseillaises, la photographe incline son appareil photographique vers le ciel et capture en contreplongée la cour de plusieurs bâtiments du XIXème siècle, mal entretenus par des bailleurs avides et habités par des locataires modestes, principalement des immigrés, arabes ou comoriennes. Les clichés dévoilent ce qui se jouent entre le jour et la nuit, entre l’intérieur et l’extérieur, grâce à sa prie de vue qui transforme la cour intérieure en un cadre carré ou rectangulaire offrant une vue sur un ciel, qui s’obscurcit. Seuls signes de la présence humaine, les balcons fleuris, les appartements éclairés, les fenêtres entrouvertes, les cordes à linge supportant des vêtements en train de sécher, révèlent en creux les conditions de vie des ménages modestes du quartier de la Joliette. Au-delà de son caractère artistique, la recherche sur l’architecture et le cadre, menée par Marie Bovo depuis plusieurs années, divulgue la réalité sociale des lieux photographiés.

La série « Alger », conçue selon un procédé semblable, oppose la sphère privée à l’espace public, la lumière à l’obscurité. La photographe capture les balcons d’Alger depuis certains appartements de la capitale. Toutes les fenêtres ouvertes deviennent les cadres des vues sur le paysage urbain et les intérieurs des immeubles en vis-à-vis. En révélant la présence de l’empreinte humaine sur le mode de l’absence, Marie Bovo pose un regard profondément humaniste sur le monde et confère à son travail une dimension universelle.

Par le protocole adopté – appareil argentique, cadrage calqué sur l’objectif de la chambre photographique, lumière naturelle, prise de vue insolite, long temps de pose, tirage en grand format – et les sujets choisis, Marie Bovo plonge les spectateur·rice·s dans l’intimité de la scène photographiée, faisant d’elles et eux des voyeurs discrets.

Des photographies aussi contemplatives que politiques.

Pour en savoir plus, visitez le site de la Fondation Henri Cartier Bresson.

Photographies : 1) Cours intérieures, 17 février 2009 © Marie Bovo, Courtesy the artist and kamel mennour, Paris/London
2) Cours intérieures, 23 avril 2009 © Marie Bovo, Courtesy the artist and kamel mennour, Paris/London
3) Alger, 22h05, 9 novembre 2013 © Marie Bovo, Courtesy the artist and kamel mennour, Paris/London

Léa Pagnier



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