Au cœur de la pinède aixoise, l'agence corrinnevezzonietassociés livre thecamp, un campus d'élite dédié aux nouvelles technologies, situé à deux pas de la gare TGV de la ville. Un projet d'avant-garde qui ne pouvait qu'être servi par une architecture novatrice, qui s'intègre avec brio dans un paysage typique du Sud de la France malgré une forme ovniesque.

De Corinne Vezzoni on connaissait les élégantes architectures monolithiques en béton dont les seuls reliefs provenaient des marques laissées par les banches : archives et bibliothèque départementales des Bouches-du-Rhône livrées en 2006, le Centre de conservation et de ressources du Mucem en 2013, et le Campus de la Timone l'an passé ; pour ne citer qu'eux. On pensait connaître et pouvoir reconnaître le style de la créatrice marseillaise, nominée à l'Équerre d'argent en 2006 et lauréate du Prix des architectes femmes en 2015, pourtant sa dernière œuvre, thecamp, nous amène à revoir notre copie. Un ouvrage dont les courbes et la légèreté de la toiture tranchent radicalement avec ses réalisations précédentes, principalement implantées dans les Bouches-du-Rhône.

Une personnalité largement implantée sur son territoire, donc. Pourtant, en 2010, quand la Mairie de Marseille lance une consultation pour la semi-piétonisation du Vieux-Port, sa proposition est rejetée alors qu'elle avait séduit les membres du jury, dont Frédéric Chevalier, entrepreneur local ayant fait fortune dans le marketing direct – c'est à lui qu'on doit notamment la présence de pubs derrière les tickets de caisse. Mais la Municipalité fait barrage. Le projet sera finalement confié à un autre.
L'homme d'affaires n'oubliera pas Corinne Vezzoni, et il faudra attendre trois ans pour que leurs chemins se croisent à nouveau, lorsqu'il décide, une fois sa société revendue, de concrétiser l'idée qui lui trotte dans la tête depuis une quinzaine d'années : créer un campus dédié aux nouvelles technologies dans sa région, afin que le territoire, et plus largement le pays, soit acteur des changements exponentiels que celles-ci annoncent. « En France, cela représente seulement 5% du PIB », résume Antoine Meunier, directeur de la communication de thecamp. Malheureusement, Frédéric Chevalier ne verra jamais son œuvre achevée et décède subitement trois mois avant que le lieu n'ouvre, aux portes d'Aix-en-Provence.



Depuis, soixante collaborateurs s'évertuent à exécuter la volonté du fondateur de la société HighCo, qui voyait en son initiative une ambition collective, un écosystème. « Thecamp sera ce que vous en ferez », lançait-il, refusant d'incarner à lui seul le projet. Au service de son dessein : une ruche, « une Villa Médicis du XXIe siècle », qui accueille et aide notamment vingt jeunes talents du numérique venus du monde entier – choisis parmi 500 dossiers –, et un incubateur pour une cinquantaine de start-ups dans lesquelles la structure investit par ailleurs. Un modèle économique financé à 80 % par les revenus que lui assurent la location d'espaces, ainsi que des prestations de formation et de co-création fournies à des entreprises privées.

Un projet d'envergure qui prend la forme de deux bâtiments destinés à accueillir jusqu'à 799 « campeurs » pour y vivre, travailler, se divertir et se restaurer. Une approche corbuséenne s'il en est, voulue par son fondateur. Aux typologies de barres et de tours imaginées par l'architecte moderniste, Corinne Vezzoni a préféré la création de deux ensembles aériens insérés à la fois avec force et délicatesse sur un plateau de 7 hectares avec vue sur la Montagne Sainte-Victoire, source d'inspiration bien connue du peintre Cézanne. Tout un symbole.

Face au quartier d'Aix-la-Durrane en plein développement, un ensemble de 150 chambres de 15 mètres carrés chacune (45 pénates côté est, 110 côté ouest) accueille les arrivants tout en ceinturant de ses deux bras – deux et trois niveaux –, la limite sud du terrain. Un troisième bâtiment de logement apparaît d'ores et déjà sur le permis de construire et pourra être édifié en cas de besoin, dans la continuité de la plus petite des deux ailes. Ces deux remparts courbes symbolisent à la fois l'entrée du site, son ouverture sur le monde, mais aussi sa protection physique par rapport à ce dernier. Construits en mélèze, matériau choisi pour sa légèreté, ils se destinent à l'hébergement des Campeurs, dans des « cellules » ascétiques, comme le souhaitait Frédéric Chevalier. Le tout est desservi par des coursives camouflées derrière des clairevoies en bois, le protègeant des surchauffes d'été.



La conceptrice a en effet pris le parti de réaliser toutes les circulations en extérieur. « C'est toujours cela de moins à chauffer », argumente-t-elle. Depuis l'entrée du campus, les utilisateurs doivent ainsi marcher quelques dizaines de mètres pour rejoindre la large canopée coiffant treize unités circulaires de 19 mètres de diamètre disposées sur une dalle en béton de 245 mètres carrés. Parmi ces constructions orbitaires de un ou deux niveaux, sept sont réalisées en vitrage courbe et six en béton banché, en fonction du degré de d'intimité sous-entendu par le programme qu'elles accueillent – allant de l'amphithéâtre central transparent de 175 places à de petites salles de réunion.

Une ouverture sur la connaissance et l'entreprenariat de demain symbolisée par une architecture futuriste, notamment grâce à une vaste couverture triangulaire de 6 729 mètres carrés, située entre 8 et 13 mètres de hauteur, réalisée en toile technique composite Ferrari et structure métallique de 500 tonnes. Cette légère inclinaison est le résultat de huit mois d'études réalisés par l'entreprise Optiflow, dans le but d'assurer le confort des usagers et de parer tant que faire se peut les chutes de neige, la pluie ou les coups de mistral qui peut souffler intensément sur le site. L'on comprend alors aisément pourquoi la fabrication de cette membrane PTFE translucide a été confiée à des ateliers spécialisés dans la conception de voiles marines et sa mise en œuvre permise par des câbles et autres pièces utilisées dans l'accastillage des bateaux, sous la houlette de l'entreprise ACS Production.

Un ensemble complété au nord-est par des lieux de réunion extérieurs, plus informels ; et plus loin, au milieu de la pinède, par quatre villas « satellites », également en béton banché, dont une maison réservée aux conférenciers et aux dirigeants de passage.

Un tiers-lieux unique destiné à la formation, la recherche et la restauration des résidents et des entreprises, dont l'architecture est mise au service de l'achèvement d'une vision entrepreneuriale globale.

Photographies : David Huguenin, Lisa Ricciotti et Fred Bruneau

Le projet est sélectionné pour les ArchiDesignclub Awards 2018 dans la catégorie Prix Spéciaux - Prix Innovation Matériaux

Pour en savoir plus, visitez le site des ArchiDesignclub Awards et de Corinnevezzonietassociés



Book des Lauréats des MIAW

 
CouvBookSITE 

d'architectures en kiosque

couv dec 2024STE