Introuvable, le documentaire réalisé en 2008 par l'architecte madrilène Angel Borrego Cubero en parallèle du concours du musée national d'Andorre a pourtant de quoi titiller la curiosité des amateurs d'architectures. A l'affiche : Jean Nouvel, Franck Gehry, Dominique Perrault, Zaha Hadid et Norman Foster. Au programme ? Croquis, maquettes, charrettes et nuits blanches. Alors, comment refuser lorsque les équipes de l'agence parisienne AZC ont convié la rédaction de Muuuz à une projection privée de ce reportage à l'humour manifeste portant sur le système très secret des concours d'architecture. Welcome to the competition !

Il est 19h30 lorsque nous arrivons dans les superbes locaux d'AZC, dans le 13e arrondissement de la capitale. Elaborés par leur soin, les bureaux sont à l'image de leurs réalisations : nets, précis, et plein de surprises. L'une d'entre elle est un amphithéâtre confortable où, quelques minutes après notre arrivée, nous sommes invités à prendre place afin de découvrir le documentaire d'Angel Borrego Cubero, couvrant toutes les phases du concours lancé par la principauté d'Andorre pour la réalisation d'un Musée National. Et quel concours !

Véritable combat des titans, les plus grandes « starchitectes » s'affrontent pour décrocher l'élaboration d'un musée inscrit dans un site complexe. Plus qu'un défi architectural, on assiste ici à une bataille d'égo – notons la petite pique des équipes de Gehry : « cache vite les maquettes avant que le bureau de Hadid ne les voit ! ». N'ayant que peu de contraintes budgétaires ou esthétiques, la seule composante extérieure à accepter est d'être filmé durant toute l'étendue du projet. Une exigence à laquelle Norman Foster n'a su se plier, se retirant immédiatement de la compétition.
Cette condition permet pourtant de se pencher sur un modèle de travail aussi vieux que la profession elle-même : le concours d'architecture. Un phénomène qui ne cesse de s'amplifier et de se politiser depuis la création du Guggenheim de Bilbao (Espagne) et dont les rouages n'ont jamais été aussi mis en lumière qu'à travers cet ouvrage cinématographique. Nous assistons ainsi à trois mois d'effort, démontrant de la gestion propre à chaque agence de ses équipes, de son projet et des besoins et envies du client.

Dès l'ouverture du film, le ton est donné : pas question ici de placer les architectes sur un piédestal, mais au contraire de démystifier leur position, en n'hésitant pas à se moquer gentiment et à confronter l'architecture iconique à ses pires aspects. Quand, dans la première scène, Nouvel est présenté chez Ardisson à la manière d'une vedette de cinéma, Gehry est quant à lui introduit à travers son cameo dans les Simpsons où, en jetant par terre un appel à projet, son visage jaune s'illumine lorsqu'il s'exclame « Frank Gehry, you're a genius ! », son bout de papier se transformant en un Concert Hall pour la ville de Springfield. Une caricature pas si éloignée de la réalité puisque, lorsque Nouvel exprime ses idées pour ce projet, lui aussi récupère un bout de papier pour créer un « petit chapeau » au sommet d'une maquette. Après tout, l'inspiration est partout...
Rappelons cependant que nous sommes alors en pleine crise économique et que la commande elle-même a de quoi frapper : un pays minuscule niché au cœur des montagnes souhaite se doter d'un musée au rayonnement international, sans jamais évoquer le budget qu'il souhaite allouer à la création d'un édifice culturel colossal. Un projet ostentatoire qui ne pouvait donc qu'être confié qu'à des architectes tout aussi extravagants.

Entre rire jaune et compassion, le spectateur assiste, impuissant, au désespoir des équipes qui tentent avec difficulté de se projeter dans un environnement inconnu, réalisant des maquettes pour un client qu'ils n'ont jamais rencontré, pour des usagers imaginaires, le tout régit par des directeurs d'agence tour à tour impitoyables, fantasques voir même carrément absents. Alors que les équipes de Gehry s'échinent à froisser des bouts de papier sans recherche concrète de résultat, celles de Nouvel redoutent les arrivées nocturnes du grand patron qui n'hésite pas à réduire à néant le fruit de leur travail. A contrario, la maîtrise de l'image de Perrault est impressionnante et le concepteur français arrive sans peine à se façonner une image de professeur inspirant. Quant à Zaha Hadid, elle n'apparaît pas une seule fois à l'écran, laissant le soin à ses équipes de gérer la commande de A à Z, peut-être de peur – probablement à raison – que sa présence dans le documentaire ne nuise à son image.

L'apothéose de The Competition réside dans la présentation des projets à un jury purement administratif et dénué d'architectes, théâtre de guignol où le crépitement des flashs de la presse couvre sans vergogne le discours des concepteurs. Demandant avec une admiration pesante des autographes à Dominique Perrault, les jurés n'hésitent pas à couper les équipes de Hadid dans leur présentation – la figure emblématique de l'agence n'étant pas présente, nul besoin de faire des courbettes à de simples exécutants. Un final burlesque auquel nous assistons avec difficulté dans l'attente du resultat.

Alors, savez-vous qui a gagné cette compétition ?

Un grand merci aux équipes d'AZC.
Pour en savoir plus, visitez le site de The Competition

Photographies : Captures d'écran du film



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