Au cœur de la Capitale, l'architecte Franklin Azzi écrit un nouveau chapitre des passages à la parisienne, avec le bien nommé Beaupassage  : une galerie de 4 744 mètres carrés de surface au sol entièrement dédiée aux épicuriens. Une alliance du traditionnel et du contemporain, dans les façades comme dans les assiettes.

En août dernier, Beaupassage ouvrait ses portes dans le très prisé 7arrondissement de Paris : un trait d'union entre le boulevard Raspail, les rues de Grenelle et du Bac, mais aussi et surtout entre quatre siècles d'Histoire. Un cadavre exquis pour un temple de l'exquis !

Si l'inauguration officielle a eu lieu il y a trois mois à peine, l'aventure remonte en réalité sept années auparavant, quand le promoteur Laurent Dumas et sa société Emerige acquièrent deux morceaux de ville mitoyens, qui ne communiquent pas entre eux et accusent une différence d'altimétrie de un mètre. Un long processus de radiographie, de conception puis de rénovation mené par l'agence B&B s'engage alors, avant que Franklin Azzi ne rejoigne l'équipe. Quelques esquisses hyperréalistes ont en ensuite suffi à convaincre le maître d'ouvrage de confier au concepteur français la cohérence de cet ensemble composé de six édifices neufs ou réhabilités, datant du XVIIe au XXsiècle. Parmi ces derniers, le méconnu couvent des Récollettes – pendant féminin du couvent des Récollets situé dans le 10arrondissement à Paris –, et l'emblématique édifice des années 1930 imaginé par Denis Honegger rue de Grenelle, dont le porche constitue l'un des trois accès de l'opération aujourd'hui revisités par les artistes Eva Jospin, Fabrice Hyber et Romain Bernini. Plus improbable encore dans cet imbroglio urbanistique, la présence d'une halle Renault en métal, brique et verre.

Trois ans de travaux ont été nécessaires pour que, derrière les façades d'immeubles de rapport qui ont façonné le profil et la réputation de la Ville Lumière, les papilles les plus aventureuses ne découvrent la face cachée du quartier : industrielle cette fois. Ironie de l'histoire, le garage de cinq niveaux, autrefois disposé à l'abri des regards, est devenu l'un des ouvrages phares de l'opération, comprenant une zone logistique souterraine – qui a nécessité d'importantes reprises en sous-oeuvr –, des commerces de plain-pied et en R+1, des bureaux puis des logements en attique. Les briques remplacées ou ajoutées contrastent ici volontairement avec les pavés d'origine, afin d'introduire une « notion de carbone 14 architecturale », comme se plaît à le dire le concepteur.

Dans l'îlot mixte Beaupassage, on mange et travaille donc dans l'un des 14 lots commerciaux, mais on vit également dans 59 logements – dont 10 sociaux –, allant du studio au T5 de 200 mètres carrés. Le tout est relié en rez-de-chaussée par un passage piéton à ciel ouvert pavé et végétalisé par le paysagiste Michel Desvignes. Une intervention que justifie en toute humilité Franklin Azzi : « Je suis comme un médecin généraliste, si j'en ai besoin, je demande à des spécialistes ». Entre les 14 échoppes dans lesquelles des grands noms de la gastronomie ont installé de nouveaux concepts culinaires à portée de toutes les bourses, cet artiste du végétal a reproduit un échantillonnage d'espèces présentes dans les forêts d'Île-de-France. Finalement, « c'est devenu un raccourci urbain, presqu'un passage du désir qui, bien qu'il soit privé a toutes les qualités d'un espace public », conclut tendrement le maître d'œuvre.

Une galerie contemporaine qui, si elle reprend les codes de la galerie commerçante traditionnelle, s'en détache et propose plus qu'un passage : une ballade au pays des sens.

Pour en savoir plus, visitez le site de Franklin Azzi 

Photographies : Alexandre Tabaste, Charlotte Donke et Anne Emmanuelle Thion



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